
Réflexes Archaïques et développement postural
07/10/2025Réflexes archaïques et troubles d’apprentissages : liens et limites de l’intégration des réflexes dans la prise en charge des troubles.
Introduction
Les réflexes archaïques, également appelés réflexes primitifs, sont des mouvements automatiques présents dès la vie fœtale et au cours des premières années de vie. Ils jouent un rôle fondamental dans la survie et le développement neurologique et moteur de l’enfant : succion, préhension, réaction de Moro, etc. Normalement, ces réflexes s’inhibent progressivement au fur et à mesure que le système nerveux central mûrit, laissant place à des mouvements volontaires, contrôlés et coordonnés.
Les troubles d’apprentissage, quant à eux, sont permanents, d’origine neurologique et caractérisés par des difficultés persistantes touchant le langage, la lecture, l’attention, l’écriture, l’automatisation du geste, la pensée mathématique… Ils sont un frein dans l’acquisition des bases fondamentales et nécessaires aux apprentissages et ce malgré une intelligence normale voire supérieure à la moyenne. Ils se distinguent des difficultés d’apprentissage, généralement passagères, qui relèvent davantage de facteurs environnementaux, pédagogiques, émotionnels ou motivationnels, et ne traduisent pas une altération neurodéveloppementale.
Ainsi, les troubles d’apprentissage ne sont pas dus à un manque d’effort ou à un environnement défavorable, mais à un fonctionnement cérébral spécifique. Cependant, des facteurs neuromoteurs comme la persistance de réflexes archaïques non intégrés peuvent influencer la manière dont ces troubles s’expriment et se compensent.
L’impact des réflexes archaïques non intégrés sur le développement neuromoteur et neurocognitif
Lorsque certains réflexes archaïques ne s’inhibent pas totalement, ils peuvent interférer notamment avec la motricité fine, la posture, la coordination oculo-manuelle et la régulation tonique. Cette immaturité neuromotrice peut perturber la disponibilité cognitive nécessaire aux apprentissages.
Par exemple :
- Un réflexe tonique asymétrique du cou (RTAC) persistant peut gêner le suivi visuel et la coordination œil-main, essentiels à la lecture et à l’écriture.
- Un réflexe tonique labyrinthique (RTL) non intégré peut altérer l’équilibre, la posture assise et la stabilité corporelle, mais aussi la compréhension de la verticalité.
- Un réflexe de Moro actif peut entretenir un état d’hypervigilance et de stress, perturbant la concentration et la régulation émotionnelle.
- Un réflexe spinal de Galant actif affecte la tonicité du dos, la sensibilité tactile, la posture, entravant ainsi les capacités d’attention et de concentration.
Ces perturbations neuromotrices créent une surcharge cognitive : l’enfant mobilise une partie de ses ressources pour compenser des gestes ou des postures automatiques, au détriment de la disponibilité intellectuelle requise pour apprendre.
Réflexes archaïques et troubles d’apprentissage : ce que disent les recherches
Plusieurs études ont exploré les liens entre réflexes primitifs persistants et troubles d’apprentissage, notamment la dyslexie et le TDA/H.
Réflexes et dyslexie
L’étude de McPhillips et al. (2000, The Lancet)[1] a montré que 75 % des enfants présentant des difficultés spécifiques de lecture avaient une fréquence plus élevée de réflexes primitifs persistants, en particulier le réflexe tonique asymétrique du cou (RTAC). L’étude clinique avait divisé le groupe d’enfants dyslexiques en deux sous-groupes : l’un a suivi un protocole d’exercices visant à reproduire et intégrer son réflexe tandis que l’autre suivait un programme de lecture intensif. A la fin de l’étude, les enfants ayant intégré leur RTAC avaient de meilleurs résultats en lecture que ceux de l’autre groupe.
Toutefois, l’étude de McPhillips et Sheehy (2004, Dyslexia)[2] observe et conclut que si un RTAC persistant peut constituer un problème particulier pour de nombreux enfants dyslexiques, il ne s'agit pas d'une caractéristique déterminante de la dyslexie. Il est important de souligner que le phénomène de réflexes primaires persistants et leur association avec les difficultés de lecture ne constituent pas une théorie cohérente du développement de la lecture. Il serait peut-être plus approprié d'interpréter la persistance des réflexes comme un « facteur de risque » développemental qui, associé à d'autres facteurs, peut avoir un impact sur des aspects spécifiques du développement (y compris le développement cognitif). En d'autres termes, les réflexes persistants ne peuvent expliquer adéquatement l'apparition de difficultés de lecture, mais ils peuvent indiquer que les enfants présentent un risque de difficultés de lecture.
Réflexes et TDA/H
Les travaux de Taylor, Houghton et Chapman (2004)[3] ont mis en évidence un lien entre la persistance de réflexes primitifs et les comportements d’inattention et d’impulsivité en classe. Ces enfants semblaient présenter une organisation neuromotrice immature, pouvant compromettre la régulation attentionnelle et le contrôle moteur.
Les recherches de Konicarova et Bob (2012)[4] ont approfondi cette relation en observant une corrélation entre la persistance du réflexe tonique asymétrique du cou et la sévérité des symptômes du TDA/H. Ces résultats ont été confirmés dans d’autres études (Bob, Petr et al, 2013)[5], montrant que les enfants présentant un TDA/H non médicamenté avaient une fréquence accrue de réflexes archaïques non intégrés.
Ces études convergent vers l’idée que les réflexes archaïques persistants constituent des marqueurs d’immaturité neurodéveloppementale, pouvant influencer l’expression des troubles de l’attention ou de la lecture.
Les limites de l’intégration réflexe dans les troubles d’apprentissage
L’intégration des réflexes archaïques suscite un intérêt croissant en neuroéducation et en psychomotricité. Ces approches visent à soutenir la maturation neuromotrice et à améliorer certaines habiletés cognitives ou comportementales.
Cependant, il est essentiel de souligner leurs limites :
- Les troubles d’apprentissage sont des troubles neurodéveloppementaux structurels et permanents, liés à l’organisation du cerveau, et ne peuvent pas être “guéris” : Dys un jour, dys toujours.
- L’intégration des réflexes archaïques peut améliorer le confort d’apprentissage, la régulation tonique et attentionnelle, ou la posture, et par là, elle peut ainsi contribuer à estomper les difficultés quotidiennes des troubles d’apprentissage.
- Les études existantes, bien que prometteuses, comportent souvent des échantillons restreints et des méthodologies variables, nécessitant davantage de recherches contrôlées pour confirmer les effets à long terme.
Ainsi, si l’intégration des réflexes constitue une étape importante et essentielle, elle ne saurait être considérée comme un traitement unique des troubles d’apprentissage. Elle participe plutôt à une prise en charge individualisée, intégrant les dimensions motrices, cognitives et émotionnelles de la personne, dans un esprit pluridisciplinaire, en collaboration avec un suivi logopédique, neuropsychologique et/ou ergothérapeutique.
L’intégration des réflexes archaïques apparaît donc comme une aide précieuse, mais non curative — un levier supplémentaire pour favoriser le bien-être et la réussite des personnes présentant des troubles d’apprentissage.
Bastiane Meurice
[1] McPhillips M, Hepper P, Mulhern G, 2000. Effects of replicating primary reflex movements on specific reading difficulties in children: A randomised double blind controlled trial. Lancet. 355/2:537-541
[2] McPhillips M, Sheehy N. 2004 Prevalence of persistent primary reflexes in children with reading difficulties. Dyslexia.10/4:316-338
[3] Taylor M, Houghton S, Chapman E, 2004. Primitive reflexes and Attention Deficit Disorder: developmental origins of classroom dysfunction. International Journal of Special Education (Vol. 19/1)
[4] Konicarova, Jana et Petr Bob. "Réflexes primitifs conservés et TDAH chez les enfants." Activitas Nervosa Superior , vol. 54, non. 3-4, 2012, p. 135–138., doi : 10.1007/bf03379591.
[5]Bob, Petr et al. "Réflexes primitifs persistants chez les filles n'ayant jamais pris de médicaments avec déficit de l'attention et hyperactivité." Maladies neuropsychiatriques et traitement , 2013, p. 1457., doi : 10.2147/ndt.s49343.





